Une trentaine de bibliothécaires du Cameroun participe depuis hier, 25 novembre 2019, à une rencontre Literary Croassroad  organisée par le Goethe Institut en partenariat avec l’Association des Bibliothécaires, Archivistes, Documentalistes et Muséographes du Cameroun, l’ABADCAM. Ces acteurs du livre, de la documentation et des archives sont réunis à Yaoundé pour discuter de l’avenir des bibliothèques et de la lecture au Cameroun. L’outil principal au cœur de ces rencontres est l’oralité, que certains experts  considèrent comme étant une véritable ressource pour sauver les bibliothèques fatiguées du Cameroun.

L’urgence de réveiller la  bibliothèque camerounaise

Ouvrant les sessions d’échanges ce lundi, le Professeur Simo David a expliqué et commenté les statistiques sur les motivations  des lecteurs et des usagers de la bibliothèque en Afrique. On retient que l’essentiel de ceux qui fréquentent les bibliothèques camerounaises vient chercher des informations à caractère professionnel  ou s’informer sur des sujets précis dans le cadre des travaux de recherche universitaire. Selon une étude de EIFL and TNS Research International réalisée en 2011 dans quelques pays africains d’expression anglaise, seulement 17 % de personnes lisent pour le plaisir. La situation est encore plus grave dans l’espace francophone.

La rencontre des bibliothécaires à Yaoundé vise aussi à utiliser l’oralité pour relever cette côte et trouver de nouvelles idées pour proposer aux usagers, une bibliothèque plus dynamique, celle qui répondrait aux aspirations de ceux qui la fréquentent.

Aujourd’hui, l’oralité offre de nouvelles perspectives pour les bibliothèques camerounaises. Elle est, selon certains participants aux échanges, le pilier sur lequel repose la vie des centres de documentation et de l’information en  Afrique. « Pour sortir la bibliothèque de son profond sommeil, il est urgent de l’animer avec ce que nous avons d’original », déclare un participant. Pour Ngwa Peter Neba, responsable à la Bibliothèque de l’Ecole Normale Supérieure de Bambili à Bamenda, il est urgent d’utiliser  l’oralité secondaire, notamment les enregistrements audiovisuels pour sauver non seulement les bibliothèques, mais également les ressources traditionnelles de l’Afrique qui tendent à disparaître avec les progrès de notre civilisation.

Une bibliothèque camerounaise ?

D’autres questions au cœur de ces journées portent sur la formation des bibliothécaires et sur les politiques de promotion des centres de documentation. Le personnel des bibliothèques scolaires dans les établissements publics du Cameroun (au secondaire et au primaire) n’est pas formé à la gestion de la documentation. Tous les responsables des bibliothèques des lycées de l’enseignement secondaire présents aux échanges affirment avoir été affectés dans les bibliothèques suite à des cas d’accidents ou de maladies ne leur permettant plus d’exercer dans les classes comme enseignants. Beaucoup d’eux n’ont aucune expérience de la gestion d’une bibliothèque, et ne sont pas eux-mêmes de grands lecteurs. Dans les universités et dans les communes, la situation n’est pas plus heureuse.

« Le personnel est souvent affecté  par affinité, ou suite à des sanctions disciplinaires  et cela pose un problème : les bibliothécaires affectés dans les centres ne sont pas formés », déplore la responsable d’une Bibliothèque municipale.

Les chemins du budget sont insondables

Au sujet des budgets alloués à la bibliothèque et à l’animation culturelle et scientifique dans les centres, les acteurs disent ne pas comprendre les « chemins du budget ». Même dans les établissements secondaires où selon les Textes en vigueur, chaque élève contribue obligatoirement pour l’achat de la documentation et le fonctionnement de la bibliothèque scolaire, on observe que le budget est continuellement dévié vers d’autres préoccupations avant d’être détourné.  Les usagers sont alors obligés de se contenter des dons de livres qui ne répondent presque jamais aux attentes  des jeunes lecteurs.

Ainsi, au Cameroun, l’essentiel des bibliothèques (y compris les centres de documentation des universités) vit des dons de livres ; une pratique que l’association camerounaise Reading Classrooms, basée à Douala,  trouve particulièrement dangereuse non seulement pour les lecteurs qui n’ont jamais le choix, mais aussi pour les acteurs du livre, éditeurs, libraires et écrivains d’Afrique. Depuis 2016, grâce à ses campagnes de financement participatif, Reading Classrooms achète à travers l’Afrique,  les livres jeunesses écrits par des Africains, parlant de l’Afrique et souvent publiés sur le continent.

« L’oralité est certes africaine, mais l’écriture n’est pas étrangère à l’Afrique»

Prof Simo David.

Si ces derniers siècles l’Afrique et le Cameroun sont restés enfermés dans les « bibliothèques mortes », « inanimées » et « désertes », il faut rappeler que des documents vieux de 2000 ans ont été découverts dans le continent noir, que la tradition de l’écriture et de la conservation des savoirs est très ancienne chez les peuples africains, en témoigne par exemple la bibliothèque mythique de Tombouctou. Pour Simo David, il faut pourtant sortir de la simple fierté historique d’avoir tant pensé dans le passé, pour s’approprier les nouveaux défis de notre civilisation.

Les participants aux échanges pensent que l’oralité, patrimoine mondial peut aider à réinventer les bibliothèques camerounaises. A l’ouverture des échanges hier, Jules Kotchè, responsable de la bibliothèque du Goethe Institut, représentant le Directeur de cet institut  a rappelé la volonté de son institution à collaborer avec les bibliothécaires et les documentalistes du Cameroun. Le Président l’ABADCAM, Alim Garga, par ailleurs Directeur de la  Bibliothèque de l’Assemblée du Nationale du Cameroun a salué l’initiative et remercié l’hôte pour la constante collaboration.


Raoul Djimeli

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