Camerounais, le griot des temps modernes Sadrak Pondi est avant tout rappeur. Paru chez Les Éditions du Muntu, en avril 2018, Un mélange de l’art et des gens est un recueil de trente-un poèmes atypiques et autobiographiques écrits en quatre langues : français, anglais, douala, francamglais.

 

Dans une langue richement orchestrée, le rappeur SadraK égrène le capelet de son histoire de flâneur, de clandestin, de détenu, de voyageur, bref, d’amoureux de la vie et des siens. Avec des mots simples mais traitres, l’auteur ne manque pas de cracher son indignation sur les maux de notre siècle notamment l’ostracisme, le tribalisme, la gabegie, la fainéantise …

On ne peut pas lire le vide du ventre 

Le recueil s’ouvre sur un avant-propos dont l’intitulé invite à la réflexion : « on ne peut pas lire le vide du ventre ! ». Dès l’entame de son livre, l’auteur remet en question toutes les formes d’art qui chantent le beau pendant que le peuple crève de faim. Et pendant qu’il accuse les artistes de ne pas produire ce qui pourrait apaiser les faims, SadraK critique subtilement les africains en général et les camerounais en particulier qui n’ont de cesse de manger encore et encore au point de faire de la famine, le plus beau des arts. La plume débordante d’humour et de franchise, l’auteur nous emmène à la découverte de son histoire. Après sa venue heureuse au monde, il flirtera suffisamment avec son pays d’origine avant de s’introduire clandestinement au Sénégal où il sera incarcéré puis relâché, lui accordant de se retrouver en France. De retour au bercail, l’enfant prodige verra les choses différemment, amoureusement, philosophiquement.

Scrutant tous les jours avec minutie chaque moindre détail, SadraK nous conte son quotidien dans la ville où il réside, « Douala-la-chaude ». Des rapports sexuels entre le soleil et la terre au laxisme révoltant de nos dirigeants en passant par les hommages rendus à Petit Pays, Boudor et ALEBA, l’artiste ne manque pas d’imagination. Il invite la jeunesse africaine à l’amour inconditionnel du prochain et au travail productif, en proposant un nouveau système éducatif et une nouvelle monnaie pour l’Afrique. Le poète SadraK prône la valorisation de nos richesses culturelles sans quoi nous n’avons pas de repère. Même s’il se réclame citoyen du monde, le rappeur n’oublie pas d’où il vient et par conséquent, condamne tout ce qui entrave la liberté et l’épanouissement des hommes.

L’écriture de SadraK est ce qu’il y a de plus intrigante. Ne respectant pas toujours la norme conventionnelle, il s’octroie toute la liberté du monde dans la casse. Saupoudrant ses écrits d’un zeste d’humour, il aborde des thèmes classiques avec une profondeur philosophique et une simplicité méthodique qui choquent d’abord puis fascinent ensuite. S’il est vrai que ce recueil promeut l’amour et l’humain avant tout, il n’en demeure pas moins vrai qu’il est en plusieurs points centré sur le féminin ; c’est à croire que SadraK est un féministe. En effet, une analyse des différents titres montrent qu’il y’en a au moins quatre qui soient dédié à la femme. De plus, dans des titres tels que La CAMEROUN et MATER NOSTER, on entrevoit bien la volonté du poète de transcrire au féminin, ce qui pour lui, aurait de la puissance, de l’amour, de la fertilité. Le rappeur, à sa façon, rend hommage à toutes les femmes et les invite à dévouer leur énergie créatrice au service du développement de notre Afrique, pour que l’amour vienne.

SadraK, Un mélange de l’art et des gens

Editions du Muntu, Cameroun, 2018.


   Kelly Yemdji

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