Jeune écrivaine togolaise, Dhémanane Kafechina est une voix féminine engagée pour l’avènement d’une société nouvelle. Dans son roman, Bonheur illusoire (Éd. Awoudy, Lomé, 2018), elle se dresse contre l’infidélité conjugale. Ce récit est subdivisé en six parties dont les titres rendent compte du cheminement de l’intrigue : Rencontre, Les folies, Alerte, Le drame, La pénitence et Le retour.
Le récit est construit autour du personnage Bamilta dont la soif de bonheur conduira à la perte. Fille d’une famille très riche, elle entrevoit l’accomplissement de son bonheur auprès d’un homme affectueux : « Ma vie réclamait le bonheur …J’avais tout financièrement pour moi. Tout ce que j’attendais d’un homme…de l’attention, de la vitalité et de l’amour » p. 12.
Elle fera la rencontre et tombera éperdument amoureuse de son professeur de développement personnel. Pour protéger sa relation secrète avec Johann, elle ira jusqu’à sacrifier la relation avec ses meilleures amies: Emelfa et Lalba. Le bonheur de cette relation amoureuse commence à s’effriter quand elle tombe enceinte. Les deux tombent d’accord pour l’avortement, mais le problème est que son amant lui accorde de moins en moins son attention. Elle découvre bientôt que leur relation était fondée sur un grand mensonge : contrairement à ce qu’elle savait, son amant était marié et son épouse venait de rentrer de l’étranger.
C’est un coup dur qui la désoriente et la plonge dans un trouble psychologique. Elle trouve refuge auprès d’Essognim, un prétendant qu’elle avait repoussé au profit de Johann. Elle se réconcilie avec ses amies, Essognim lui ouvre ses bras, mais malgré cela elle est toujours subjuguée par l’amour pour le professeur. Le rêve de trouver le bonheur auprès d’un homme lui glisse définitivement entre les mains lorsque, par vengeance, Johann est assassiné par Emelfa qui avait été abusée par lui et quand, pour le comble, Lalba se marie avec Essognim, l’amant repoussé autrefois. Bamilta se rend compte qu’elle a passé tout ce temps à chercher un bonheur qui se révèle être illusoire, un leurre. Elle comprend que le bonheur n’est, en réalité, qu’une façon de percevoir la vie. En fin de compte, elle prend la résolution de se focaliser sur ses projets et de lutter pour leur réalisation, lesquels sont gages de l’épanouissement personnel et de l’affirmation de soi : chemins qui conduisent au véritable bonheur.
Ce roman nous met face à deux projections antagoniques du bonheur. La première c’est celle qui habite Bamilta jusqu’à la désillusion finale. Elle est faite de rêveries, d’évasion et de passion. Cette philosophie du bonheur ne l’envisage pas en dehors d’une relation passionnelle : cœur à prendre, bonheur à attendre. C’est une conception qui se révèle être erronée, comme le donne de voir le titre : « Bonheur illusoire ». La seconde projection du bonheur quant à elle, est réaliste et pragmatique. Elle le présente non comme un fait qui dépend de l’altérité, mais comme une vision et un projet personnel qui prennent vie avec l’initiative propre. La situation que décrie ce roman, celle de la conception du bonheur comme projet (inter)dépendant, trouve un écho particulier dans nos sociétés africaines contemporaines où bien de personnes croient que le développement et la prospérité du continent dépendent de la largesse de l’occident, ou encore d’un groupe important de jeunes filles qui estiment que la clé de leur bonheur se trouve dans le mariage. Cette vision donne lieu à une société de consommation et de passivité qui refuse de voir le bonheur comme un projet personnel et continuel qui se construit au quotidien et dépend de la perception de celui qui l’envisage.
Dhémanane Kafechina, Bonheur illusoire,
Éditions Awoudy, Lomé, 2018, 159 p.
Jovanie Stéphane Soh Sokoudjou
L’article est admirable, félicitations à l’auteur et au magazine. Je voudrais bien savoir comment vous en êtes-vous procuré ou comment avoir un partenariat des Éditions Awoudy avec le magazine. En tout cas, je suis de vous.