Angèle Ntyugwetondo Rawiri, première romancière gabonaise est née le 29 avril 1954 à Port-Gentil au Gabon. Le 15 décembre 2010, elle décède à l’âge de 56 en France. Fille du diplomate et poète Georges Rawiri, la romancière est l’auteure de trois romans. Elle publie son premier texte, G’ Amèrakano au carrefour en 1983 dans la maison Silex. C’est chez le même éditeur qu’en 1986 elle offre à ses lecteurs Elonga. Fureurs et cris de Femmes, paru en 1989 chez L’Harmattan est sa dernière production littéraire, mais il est aussi le roman qui l’a véritablement rendu célèbre. Hormis une carrière littéraire, Angele Rawiri a également exercé comme traductrice (anglais/français) dans la Société national de Pétrole de son pays. Pendant son séjour de deux ans à Londres, elle a flirté avec la mode en exerçant comme mannequin et le cinéma où elle a joué des seconds rôles dans les films de James Bond.
Dans Fureurs et cris de femmes, le roman qui nous intéresse, il est question de l’histoire d’une femme, Emilienne, qui souffre dans sa chair à cause de la tradition, du succès, l’amour et de la trahison. En effet, Emilienne, l’héroïne de Rawiri, jeune étudiante, fait la rencontre de Joseph. Tous deux tombent passionnément amoureux, un amour qui n’est pas sans conséquence positive : « Au cours des mois qui suivent Emilienne s’épanouit au point de susciter l’admiration de son entourage. Sa peau était devenue plus éclatante, sa santé robuste et sa vitalité contagieuse. Elle acquit une assurance provocatrice. Seul l’amour peut opérer une telle métamorphose chez une femme, commentaient ses collègues de fac » (FCF, 12).
Malheureusement, un obstacle va s’élever pour tenter de détruire cet amour naissant. Le tribalisme puisqu’il s’agit de lui, vient mettre à l’épreuve ce sentiment encore fragile. C’est la mère de Joseph qui la première manifeste le rejet de l’autre : « « Après que Joseph lui ait présenté sa fiancée, elle rentra dans une colère vive que ne lui connaissait pas son fils. Tu n’épouseras pas une fille de cette ethnie tant que je vivrai » (FCF, 14). Nonobstant le désaccord d’Eyang, les deux tourtereaux vont braver la gangrène tribaliste et officialiser leur union.
Après un parcourt brillant à l’université, Emilienne occupe un poste important dans l’administration. Son époux qui a une situation professionnelle instable et elle, vont s’installer dans le domicile que l’administration met à la disposition des hauts cadres. La vie du couple se complique. Eyang qui s’est installée avec le couple, accompagnée des deux enfants de sa fille, ne cesse de monter son fils contre son épouse.
Un malheur ne venant jamais seul, Emilienne va faire une fausse couche et perdre son fœtus, quelques temps après, c’est leur fille unique de douze ans qui va être retrouvée morte. Ces calamités vont progressivement pousser Emilienne au bord du précipice, surtout qu’elle est mal considérée à cause du fait qu’il lui soit « impossible » de donner naissance à un garçon : «J’ai voulu un deuxième enfant et voilà que le premier est assassiné. C’est moi qui ai provoqué sa mort en désirant un autre enfant comme si elle n’avait pas compté. Avant même d’être retournée sous terre je suis déjà une loque dont toutes les parties se débinent […] En la choisissant comme leur victime, ils ont percé mon ventre à coups de couteau. En l’assassinant, ils ont tué puis enterré mon ventre déjà mort. Dorénavant, mon ventre lui servira, comme à tous ses frères et sœurs qui n’ont pas réussi à sortir de moi, de cercueil et de tombeau» (FCF, 45).Eyang continue sans répit sa persécution. Elle trouve une amante à son fils. Le persuade de convaincre son épouse d’embaucher cette dernière afin qu’elle puisse mieux contrôler Emilienne. Toute ses tractations se passent à l’insu d’Emilienne. L’héroïne sombre dans le désespoir et la démence. Elle se réfugie dans l’alcool et les pratiques sexuelles déviantes.
Jean-Michel EKELE