Au Cameroun, la nouvelle liste du manuel scolaire vient mettre un terme à plusieurs années d’incompréhensions et de confusions. Conformément à la règlementation en vigueur dans le passé, chaque établissement avait le droit de choisir le(s) manuel(s) qui lui était convenable pour la formation de l’élite de demain. Cette liberté a engendré plusieurs débordements parmi lesquels le changement systématique des ouvrages au programme chaque année, le clientélisme, le népotisme… La décision du 12 juin, publiée par la Commission nationale en charge de sélectionner les manuels scolaires, vient donc sonner la fin de la recréation ! Désormais on revient à l’ouvrage unique sur l’étendue du pays. Un autre fait heureux dans la nouvelle liste est la place de choix accordée à la littérature camerounaise. Sur les 17 œuvres et ouvrage littéraires désormais au programme au premier et second cycle francophone, on observe que 9 titres sont des productions camerounaises.
Les autres pays africains sont faiblement représentés avec 3 textes, tandis que les productions françaises s’élèvent à 5. La liste des textes littéraires au programme a également le mérite de remettre les classiques du terroir au-devant de la scène. Si on se réjouit de ces avancées, on peut tout de même se poser une question, celle de savoir s’il existe une méthode d’enseignement de la littérature camerounaise.
Tout au long de notre parcours secondaire, on a pu noter qu’il n’existait pas une méthode d’enseignement de la littérature camerounaise. Après une dizaine d’année, nous sommes revenu observer comment est-ce qu’on dispense le cours de littérature et voir si la situation a évolué. Le constat est que rien n’a changé 10 ans plus tard. Nous avons poursuivi la même enquête dans les 7 universités d’états que compte le pays, il ressort que seule l’Université de Buea propose deux cours de littérature camerounaise (Lit 306 : Cameroon literaure in English et Bil 503 : Littérature camerounaise d’expression française). Or dans les collèges et lycées, on enseigne la littérature française dans les classes de Première, de Terminale et d’Upper sixth avant d’introduire les œuvres des auteurs français. C’est dire que les élevés assidus de ces différents niveaux sont capables de discuter de Littérature française avec leurs camarades Français sans complexe, puisqu’ils maîtrisent les différents courants littéraires français et leurs idéologies, les caractéristiques de l’écriture de ces mouvements et leurs leaders. Pour ce qui est de la Littérature camerounaise par contre, aucun cours introductif n’est dispensé comme c’est le cas avec la Littérature française. Ici, l’enseignant se limite à la biographie et à la bibliographie de l’auteur dont l’œuvre va être étudiée. Une fois ce travail fait, le professeur invite ses apprenants à lire le ou les texte(s) au programme, ensuite, quelques semaines plus tard, il choisit un ou des extrait(s) qu’il analyse avec ses élèves et le sujet est clos.
Pour le cas du supérieur, on note qu’ils existent un Département de lettres modernes françaises dans presque toutes les universités publiques. Mais aucune de ces institutions ne possède en son sein un Département de littérature camerounaise. À l’exception de l’université de Buea où on enseigne la Littérature camerounaise, dans les autres, les enseignants se limitent à l’analyse de quelques textes lors de leurs enseignement s dans les Départements de littératures et civilisations négro-africaines. Si au Department of English de l’Université de Buea on dispense le Cameroon literature in English, on observe que le thème qui est essentiellement développé pendant tout un semestre et en 30 heures est Marginalization. On a comme l’impression après avoir suivi ce cours que tous les écrivains camerounais d’expression anglaise n’écrivent que pour mettre en exergue les ‘’conflits’’ qui ‘’existent’’ entre la majorité de la population francophone et la minorité anglophone. Or au Département de français de la même université, on a observé que le même cours est mieux structuré et mieux dispensé. Les mouvements de la Littérature camerounaise, les différents thèmes, les idéologies et les auteurs principaux de chaque tendance sont étudiés lors du Bil 503. La peccadille ici est que les enseignants sont obligés de survoler cet enseignement parce qu’ils ne disposent que 30 heures, c’est-à-dire un semestre pour couvrir le cours.
On retient en somme que du cycle secondaire au supérieur, il n’existe aucune approche d’enseignement de la Littérature camerounaise. Or la rentrée scolaire du primaire et du secondaire est programmée pour le 3 septembre, des dispositions sont prises pour son bon déroulement, mais pas un mot sur la méthode adoptée pour mieux dispenser la Littérature camerounaise. Vu ce vide, nous proposons dans un premier temps d’épouser la même approche qui est utilisée dans le cadre du cours de Littérature française, c’est-à-dire qu’avant d’analyser un texte littéraire camerounais, l’enseignant doit enseigner ses différents courants, les auteurs de chaque tendance, les thèmes, l’idéologie et les caractéristiques scripturales de chaque mouvement. Ces étapes passées, l’enseignant introduit le texte et invite les apprenants à la lecture pendant une période délimitée.
Lorsque ce temps est épuisé, il procède à un test de lecture. Cette proposition n’est certes pas l’idéale, mais elle a l’avantage d’amener les élèves camerounais à la découverte de leur littérature. Dans un prochain article, nous proposerons quelques approches d’enseignement de la Littérature camerounaise développées par les spécialistes.
Jean-Michel EKELE
Université de Buéa, Cameroun.