C’est à travers Nulle part : d’ici et d’ailleurs, paru aux Éditions du net en 2018, que Mohamed Dim pose ses marques dans le vaste univers de la production littéraire camerounaise. S’inscrivant dans un contexte où le Cameroun son pays, traverse les sentiers macabres du terrorisme et une crise sociopolitique des plus sanguinaires, ce recueil de poèmes trahit la volonté profonde de l’auteur de voir restaurer les valeurs fondatrices de l’univers. C’est donc à travers les trente-quatre titres qui constituent ce recueil que Mohamed Dim, défend la paix, le patriotisme, l’unité nationale, l’harmonie mais surtout … l’Amour.
Témoin et victime des affres et des atrocités de la guerre, la conscience et l’humanisme du poète emplissent sa plume de verve. Pour traduire son déchirement intérieur et sa profonde douleur, Mohamed Dim confère à des mots simples, la puissance du verbe ; son objectif étant de se faire comprendre par les masses populaires, et non aduler par une poignée d’intellectuels.
NULLE PART : D’ICI ET D’AILLEURS est un titre très révélateur quant à la posture de l’auteur. Le poète brave les barrières ethniques et géographiques : il se veut camerounais, non pas d’une région ou d’une ethnie, mais du Cameroun tout simplement. Des titres comme DU MULTIPLE À L’UN, DU «JE » À « NOUS », EXOGAMIE, UNICITE, AMITIE, PAIX… traduisent la vision du poète qui voit en chaque camerounais un frère, une sœur, un parent, un ami, …un autre lui-même. Il promeut l’harmonie, le vivre ensemble, la paix et l’équité.
Mais non, Mohamed ne se veut pas seulement camerounais, il se revendique citoyen du monde, d’ici, d’ailleurs, mais africain avant tout. C’est un appel qu’il lance au monde entier pour qu’enfin cessent la guerre et l’inégalité. C’est la raison pour laquelle. Le poète invite au dialogue, à la réconciliation et au pardon pour voir revenir la paix. Il pose donc pour l’unification et le retour au calme.
… Pardonner c’est laisser de côté la colère
C’est laisser le ressentiment
C’est rester calme
C’est être heureux
Pardonner c’est être compréhensif
C’est être raisonnable.
Dans ces titres qui convient à la table de la noblesse et de la grandeur, l’auteur rappelle aux hommes que ces différences sont à la fois notre point de communion et notre plus grande richesse ; raison pour laquelle « Quelle que soit la différence, We are one ».
Ce recueil n’est pas qu’un appel à la paix ; c’est aussi une balade à travers la triste histoire du Cameroun. Dim dans ses rimes, présente les cicatrices de toute une nation dont on a violé les valeurs les plus chères : la paix et la liberté. Il brandit son indignation face à toute injustice qui porte atteinte à la dignité humaine en regrettant l’esclavage, la colonisation et la néocolonisation :
Avant leur arrivée,
Nous n’avions pas de barrière
Voici que 1884 décida autrement…
Mais non ! IL FAUT QUE ÇA CHANGE !
…La langue, l’ethnie, la taille, le teint, ne doivent pas être un frein…
Dim prône avec insistance une nation en PAIX « …Paix Paix Paix… » Et puisque des héros tels que Um Nyobé, Ernest Ouandié, Martin Paul Samba… ont déjà payé cher le lourd tribut de la liberté, le Cameroun doit être un pays libre : LIBERTÉ.
La richesse de ce recueil est telle qu’elle s’étend sur les rêves qui prennent fin dans la Méditerranée. Dans ses titres MON RÊVE et RÊVES ILLUSOIRES, l’auteur déplore la mort des milliers d’africains qui tentent de s’introduire frauduleusement en Europe, en passant par une mer anthropophage et briseuse de rêves. Il condamne l’immigration clandestine et invite les africains à bâtir eux-mêmes, contre vents et marrées, leur propre paradis, et ce, chez eux. Au milieu d’un monde où règnent la haine et le chaos, Dim est la colombe qui vient avec sous ses ailes, un drapeau tout en blanc.
Nulle part : d’ici et d’ailleurs
Mohamed DIM, Paris, Éd. LES ÉDITIONS DU NET, 2018, 72 p.
Kelly Yemdji