Grâce à une vocation découverte, Espessé gagne son pari en révolutionnant le système éducatif d’un pays où tout semble évoluer à reculons. Ernest Chuinteu, qui n’est pas à son premier roman sur les questions éducatives nous propose un nouveau roman plein de rebondissements.

Si vous entendez Médecin malgré lui, à coup sûr, vous penserez à Molière. Mais si vous entendez Professeur malgré lui, il s’agit du roman d’Ernest Chuinteu publié aux éditions Ifrikya à Yaoundé. A travers un « personnage-type », Epessé, l’auteur de ce roman livre l’image d’une société prise d’assaut par la délinquance juvénile. Bref, une société où une jeunesse sans repère emprunte le couloir de la déperdition. Le dévolu ce conglomérat de thèmes bien pensés semble reposer sur la mal gouvernance, sur la non-implication des hommes politiques à la chose l’éducative. En clair, il s’agit de la caricature d’un système éducatif en branle, un système éducatif qui montre au vu et au su de tous ses faiblesses incomparables. L’on n’est pas très loin, pour rejoindre Hubert Mono Ndzana, d’une société où l’écart a été normalisé et la norme écartée.

C’est l’histoire d’Epessé, jeune citoyen qui depuis belle lurette caresse le rêve de devenir administrateur civil pour participer à la gestion efficace de son pays. Seulement, après plusieurs tentatives de réussir au concours d’entrée à l’Institut des Sciences de l’Administration (ISA), mais, malheureusement, son rêve ira d’échec en échec. Comme le stipule ce dicton : «  à défaut du cheval on prend l’âne », sous la pression de sa tante, il est admis au concours d’entrée à l’Institut des Sciences de l’Education (ISE). « Les deux concours ne se valent pas » (p.18). dit-il, refusant au début de répondre présent. Mais avec le temps, il se rend compte de la réalité ambiante du pays : la passion a des courtes jambes.

Malgré son filtre, car l’heure n’est plus à la passion, plutôt à la raison, il finit par accepter de devenir professeur de lycée. Au bout de quelques années de formation, il découvre sa vocation d’enseignant. C’est un autre sursaut patriotique qui jaillit en lui, car il décide de redorer le blason de l’éducation. Il est affecté dans la localité du Chef de l’Etat, Kouka, une localité sous scolarisée, se donnant pour mission de sortir la sortir de la querir de la cécité intellectuelle. Ici, il fait face au trafic d’influence des parents de ses élèves, jalousie et aux pressions de toutes sortes.

En dépit de tout, il est nommé Directeur du collège d’enseignement supérieur de son village. C’est là qu’il continue d’implémenter sa vision du système éducatif. Les parents du village enverront alors une pétition au cabinet du Premier Ministre pour dénoncer « avec la plus grande énergie ce qu’ils estimaient être une trahison de la part de son gouvernement » (p.103).

Cet ouvrage de 110 pages est une allégorie dont le pays est facilement identifiable, où le personnage Epessé semble être la métonymie de toute une jeunesse. A travers son parcours académique, mieux universitaire, il transparait en lui les agitations de chaque nouveau bachelier qui, après le baccalauréat rêve et est passionné par une profession précise. Epessé serait donc le genre de jeune qui, plein de talent, choisit délibérément une profession par prestige. A cet effet, il pense que « Les deux concours ne se valent pas ». Comme pour dire que le prestige n’est pas le même ; même si l’on sait que l’éducation est la base de toute société.

Dans un style digeste et chargé d’ironie, d’humour, d’incompréhension, mais aussi et surtout de nostalgie et pédagogie, Ernest Chuinteu entreprend la démarche d’un pédagogue à travers le personnage Epesse. Si on s’en tient à qu’« écrire c’est dénoncer et dénoncer c’est corriger », cet écrivain déploie des voies et moyens pour refaire à sa manière le système éducatif, disons-le, camerounais. Sans doute, comme Antoine-Beauvard Zanga dans Tais-toi et enseigne, il décrit le musèlement des enseignants qui subissent les pressions des pontes de l’Etat.

 

Professeur malgré lui, Ernest Chuinteu

Editions Ifrikiya, Cameroun


Jovanie Stéphane Soh Sokoudjou

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