Le Cameroun fait partie des quelques rares nations où coexistent plus de deux centaines de langues. Dans un tel contexte, la communication – sociale, académique, littéraire…– se veut inévitablement plurilinguistique, ce qui rend complexe la définition et la délimitation des manifestations culturelles nationales qui se matérialisent à travers les langues. Cette complexité est d’autant plus avérée qu’il existe des expressions culturelles, littéraires en l’occurrence, camerounaises qui utilisent un matériau linguistique qui n’est ni officiel ni national. La littérature camerounaise compte une bonne partie de sa production en italien, en allemand, en espagnol ; entre autres langues non sociales au pays.
L’espagnol, puisque c’est ce qui nous concerne ici, est une langue à travers laquelle plusieurs camerounais ont choisi produire une littérature. On enregistre un peu plus d’une quinzaine d’auteurs camerounais qui ont choisi ce chemin. Ils sont, pour la plupart, des enseignants d’espagnol établis sur le territoire national, et pour quelques-uns, à l’étranger.
L’écrivain dont la production est la plus abondante et la plus diversifiée n’est pas un philologue hispanique, Inongo-Vi-Makome est médecin.
Boniface Ofogo Nkama est un autre écrivain de ce champ qui vit également à l’étranger. C’est un ambassadeur des contes africains, il les dit dans plusieurs pays d’Europe et d’Amérique latine. Sur le territoire national, nous avons des plumes telles que : Germain Metanmo, Robert Johlio, Mbol Nang, Guy Merlin Nana Tadoun, Romual Mahop Mahop, Céline Clémence Magnéché Ndé, et récemment, Ebénézer Bille et Georges Moukouti, etc.
La littérature camerounaise en langue espagnole possède, de nos jours, une importante production de textes dont certains ont reçu des distinctions internationales. C’est une littérature qui, malgré cette constitution et consolidation avérées, est très souvent confinée au silence et reste absente de la scène littéraire camerounaise. Jusqu’à nos jours, elle n’est mentionnée dans aucune anthologie de la littérature camerounaise. Elle fait également partie des grandes absentes lors des évènements littéraires importants comme le Salon du Livre de Yaoundé, les festivals nationaux de littérature et les forums d’échange littéraires.
Plusieurs raisons pourraient justifier ces silences. Parmi elles, la principale serait la langue d’écriture, l’espagnol. Le français et l’anglais sont les deux langues à travers lesquelles le grand lectorat camerounais est conquis. Le choix d’une autre langue limite donc d’avance le champ de réception et même la considération sur le plan national, puisque l’importance d’une littérature dépend largement de sa réception. Pour le cas présent, le lectorat est exclusivement constitué par les apprenants et les enseignants d’espagnol. Peut-être faudrait-il envisager de traduire cette littérature pour se faire connaitre au-delà de ce public restreint.
Au fond, ces silences poseraient le problème de la définition véritable d’une littérature nationale, de la camerounaise en l’occurrence. La langue d’écriture, le contenu socioculturel, le lieu d’écriture et de publication et, bien évidemment, la nationalité des auteurs sont, entre autres, les critères pris en compte pour une telle entreprise. Si la nationalité de ces auteurs et les contenus socioculturels de leurs textes sont irréprochables, il n’en est pas de même pour le reste. Du fait de la langue, c’est une littérature inaccessible pour le grand public camerounais. En plus, elle manque d’espaces concrets au Cameroun tels que les maisons d’édition, les bibliothèques. C’est donc une littérature qui est appelée à s’enraciner effectivement sur le territoire national pour sortir du silence dans lequel elle est confinée dans la scène littéraire camerounaise.
PAR Gils Da Douanla
Lauréat Concurso de relato Camerun, 2018