La femme aux pieds nus, prix Seligman 2008, est le deuxième roman de l’écrivaine Franco-Rwandaise Scholastique Mukasonga, écrit douze ans après le génocide rwandais. Ce roman publié aux éditions Gallimard en 2008 rend hommage à toutes ces femmes qui ont péri pendant ces tristes années de sang en général, mais c’est surtout un hommage Stefania, tuée à coups de machette, femme protectrice et aimante dont la fille, l’écrivaine, n’a pas pu respecter son ultime injonction, celle de recouvrir son corps à sa mort.
Nyamata : le pays de la faim
Stéfania est cette femme, cette mère dont la mission première est de protéger ses enfants. Comme tous les autres Tutsi, Stefania et sa famille sont déportés à Nyamata où leurs bourreaux espèrent qu’ils soient exterminés à petit feu par la famine, la maladie du sommeil et les soldats du camp de Gako, établis entre les villages et la frontière toute proche du Burundi. Nyamata ne donne pas le lait, comme dirait tout lecteur camerounais. La nourriture y est rare. De temps en temps, les familles trouvent un peu de sorgho qu’ils consomment dans toutes ses formes possibles pour varier les menus. Le pain quant à lui est la nourriture des dieux. Chaque femme en garde toujours une miche au cas où un enfant tombe malade car, lorsqu’on avait déjà « épuisé tous les autres remèdes, les lavements, les plantes du jardin médical ou celles de la brousse … il ne restait plus que le pain à donner au mourant comme ultime recours » (73).
Stéfania est toujours très attentive, on aurait dit qu’elle a développé un sixième sens. « Elle savait repérer de très loin le bruit des bottes sur la piste » (18), raconte sa fille. A Nyamata, Stefania sait que la seule issue pour eux est de traverser la frontière mais, elle ne veut pas partir. Elle élabore de nombreux plan pour préparer l’évasion de ses enfants. Elle, comme toutes les autres femmes, espèrent rentrer chez elle. Sa fille Mukasonga quant à elle réussit à se réfugier au Burundi avant de continuer son chemin de rescapée de génocide.
« Quand je mourrai…personne ne doit voir mon corps »
Stefania observe ses enfants chaque soir lorsqu’ils mangent car, elle sait qu’il n’y aura peut-être pas d’autres soirs. Et elle raison car la ville qu’elle habite est cruelle. Si Stefania doit mourir, elle veut mourir chez elle, et si jamais la mort la suprenait avant, elle souhaite reposer loin des regards brûlés. C’est pourquoi elle demande à ses filles de recouvrir son corps lorsqu’elle ne sera plus. Mukasonga, parti pendant le génocide pour le Burundi, n’a pas pu respecter cette injonction de sa mère. Elle a laissé son corps à la vu de tous. Elle n’est revenue au Rwanda, à Nyamata, dans cette ville dans où plus de 50000 Tutsis avaient été exterminés que 10 ans après, et elle confesse à l’ouverture de son roman. « Maman, je n’ai pas pu recouvrir ton corps » (12). Les 145 pages de son livre se lisent comme un deuxième enterrement à une mère courageuse qui donna tout et que la haine emporta il y a bientôt 30 ans.
En lisant ce chef d’œuvre hanté par la douleur, la tristesse, la peur et le regret, on revit une période de l’histoire particulièrement trouble : le génocide des Tutsi au Rwanda qui se déroule d’avril à juillet 1994.
J’ai beaucoup aimé ce roman ! C’est aussi une sorte de retour aux sources, dans la vie quotidienne des gens du Rwanda. Je vous le recommande vivement.
Scholastique Mukasonga, La femme aux pieds nus, Gallimard, 2008.
Merveille Nguelefack, bloggeuse littéraire
Après avoir été une victime du génocide Rwandais, Mukasonga a écrit plusieurs livres parmi lesquels Notre-Dame du Nil qui d’après elle, lui a permis de « mettre fin à son passé