Notre-Dame du Nil est sans doute l’un des livres les plus connus de l’écrivaine rwandaise Scholastique Mukasonga. Ce livre a reçu le prix Renaudot et le prix Ahmadou Kourouma à sa sortie en 2012, ainsi que le grand prix French Voices Award aux USA en 2014 pour sa traduction en anglais. La romancière y raconte une histoire du Rwanda au moment où se forment les tensions qui éclateront sur l’un des génocides les plus sanglants du continent africain.
Elle-même victime du génocide rwandais, Scholastique Mukasonga a écrit plusieurs livres parmi lesquels Notre-Dame du Nil qui, d’après elle, lui a permis de « mettre fin à son passé douloureux et de se réconcilier avec elle-même ». Notre-Dame du Nil est un lycée très prestigieux dans lequel les jeunes femmes reçoivent l’enseignement européen pour cheminer auprès des élites du pays. C’est le « lycée des futurs femmes de Ministre », et c’est un établissement scolaire à dominance Hutus. Les Tutsis n’y représentent que 10% des apprenants — deux élèves seulement dans chaque classe de vingt élèves. Cette minorité Tutsis doit endurer jour après jour les comportements dédaigneux de leurs camarades, celui de Gloriosa en particulier dont chaque discours laisse paraitre une haine aveugle contre les Tutsis.
Les adolescentes Gloriosa, Virginia, Immaculé, et Veronica qui sont de tribus différentes, vont voir les tensions s’accroitre entre elles chaque jour. Gloriosa, fille d’un homme très influent dans le pays est une Hutu qui se dit politicienne. Virginia et Veronica sont des Tutsis et Immaculé quant à elle est moitié Hutu et moitié Tutsi. Le Lycée est tenu par des religieuses qui ne font rien pour rétablir l’ordre dans les deux clans, pas même dans les salles de classe de Notre-Dame du Nil. Grâce à sa position en tant que représentante du parti dans son lycée, Gloriosa va tout faire pour porter préjudice aux Tutsis qu’elle déteste ouvertement: « il faut toujours rappeler aux Tutsis qu’ils ne sont que des cafards, des inyenzi au Rwanda ». Elle va démolir la statuette de Notre-Dame du Nil sous prétexte qu’elle a un nez pointu comme celui des Tutsis et feras en sorte que tout le monde croit que ce sont les Tutsis, considérés comme des traitres qui l’ont démolie. Elle va simuler des attaques, nourrir la haine entre les uns et les autres et convaincre la Mère Supérieure et le Père Hermenegilde que les Tutsis ne sont pas dignes d’apprendre dans un établissement comme le Lycée Notre-Dame du Nil.
Les Tutsis quant à elles savent que le diplôme obtenu dans ce lycée de renom ne va leur servir à rien dans un Rwanda où leur clan est si détesté, mais tiennent à obtenir ces diplômes malgré tout. Malheureusement, une opération sera mise sur pied pour expulser les Tutsis du lycée ; pendant cette opération, Veronica sera tuée et Virginia va réussir à s’enfuir avec l’aide d’Immaculé. Quelques jours plus tard, le père de Gloriosa sera relevé de ses fonctions, et on découvrira que tout ce qui s’est passé n’était que l’œuvre de Gloriosa. Elle sera arrêtée.
Dans ce Rwanda-là, les Tutsis étaient obligés de travailler doublement pour avoir un diplôme. Une haine nourrie par les deux clans, s’est transformée en une guerre fratricide qui s’est déroulée sous les yeux peu gênés des Blancs et des missionnaires installés dans le pays.
Parfois, la romancière remonte aux années 70, 20 ans avant, à une époque pendant laquelle les Tutsis ont été eux-aussi les bourreaux des Hutus, une époque déjà porteuse des embryons du fameux génocide Rwandais qui aura finalement lieu au début des années 90, et dont les enquêtes sur les responsabilités sont restées ouvertes jusqu’à ce jour.
Si vous n’avez encore rien lu de Mukasonga, je vous recommande vivement la lecture de Notre-Dame du Nil, roman poignant qui raconte une histoire douloureuse dans une langue généreuse.
Scholastique MUKASONGA,
Notre-Dame du Nil, Gallimard, 2012, 226 pages
Nguelefack Merveille, Chroniqueuse littéraire