À Yaoundé, on commence à s’habituer aux activités qu’organise Ondoa Kalara, entrepreneur culturel mais pas que. Depuis plus de 15 ans, ce passionné des arts et des savoirs des peuples d’Afrique travaille à apporter sa touche à l’immense champ culturel et littéraire qu’est le Cameroun. Son projet, l’Open Show Management créé en 2006 n’a pas cessé de multiplier les projets artistiques, pour les grands comme pour les petits. Le plus récent, le FORALY s’apprête à lancer sa quatrième édition en février prochain. Il en parle avec Djimeli Raoul.

Ondoa Kalara, vous vous présentez très souvent comme autodidacte : mais vous êtes aussi le produit de diverses écoles. Comment le comprendre ?

Ma démarche est atypique. Le sachant n’est pas qu’un théoricien, c’est un praticien, il expérimente et parle au moyen des faits. Le système robotise nombre de personnes à travers l’école institution qui, elle-même se trouve d’abord au service de celui-ci. On ne donne pas les noms des maîtres égyptiens Noirs qui ont formé Platon, Descartes, Thales, etc mais, on nous parle des manifestes, des prouesses philosophiques des formés et presque jamais des formateurs. Quel niveau académique avaient les sachants égyptiens ? Certainement bien au-delà de toutes les agrégations. Les preuves sont tangibles aujourd’hui de par la présence des pyramides, l’irrigation du Nil entre autres.

Je suis fier d’avoir été un disciple du patriarche Evembe François de Borgia. Les prolégomènes de sa science pluridisciplinaire l’Arkheonosmatik (archéonomastique) m’ont aidé à comprendre un ensemble de phénomènes originels et existentiels. L’apprentissage des codes et techniques journalistiques par Dzene Joseph, Emila Assama, et tous ces ateliers en management artistique organisés par Scène d’Ébène de Tony Mefe depuis la moitié des années 2000. Cette autre école me donne d’explorer une autre science pluridisciplinaire jusqu’à ce jour moins connue du public : l’ingénierie culturelle.  J’ai une double éducation traditionnelle et académique qui servent de colonne vertébrale à l’archétype qui s’est révélé en moi.

On peut dire que votre aventure avec la scène culturelle commence avec la création de l’OSM. Comment est née cette ambition ?

Open Show Management OSM Cameroon naît d’un désir d’autonomisation. Après ma virée en BTS Commerce International entre 2005 et 2006, pleines d’idées fusent dans ma tête. Mais, je n’ai pas réellement de Filière d’activité précise. Je fais appel tour à tour à mes amis  d’enfance et camarades de classe pour la plupart. Plus tard, nous nous constituons  en bureau d’association : Kom Arlette qui est journaliste, Jules Stéphane Olinga qui est éditeur, Tekam Stéphane, le vidéaste Hermann Nanjo, et Laurent Akono qui est infographiste et illustrateur. On avait de fabuleux rêves… Narcisse Fokou qui a fondé le média Le Quatrième Pouvoir  s’est joint à l’équipe un an plus tard. De fil à aiguille, le projet engrange des suffrages. Nous travaillons pour le développement de carrières d’artistes. Nous parvenons à avoir huit antennes relais OSM dans les provinces du pays. On a fait du boulot !

Quels ont été les grands projets de cette organisation en ces deux décennies d’activités ?

Alors, en 17 ans nous avons fait du chemin et n’avons pas encore fait les 30% de notre périple. Nous avons travaillé à former et à manager des  jeunes artistes rappeurs, chanteurs, danseurs, musiciens et des associations culturelles sur la gestion et le développement de carrières artistiques. Nous avons organisé beaucoup d’ateliers et de master class, avons placé des artistes sur diverses scènes majeures.

POLICEMAN, Mboh-Ze, TAllXMan, ETOUBE Paul, Estel MVENG… et nous avons administré le  Forum des danses urbaines et le Festival International Urban Zone Contest  Urban Zone Colors en 2016 et 2017 ! ça s’est produit aussu bien dans les espaces culturels étrangers qu’à YaFe ! On a fait la radio, les salons littéraires au Cameroun, en Côte d’Ivoire et ailleurs. Comme je disais, on a bossé !

Il y a quatre ans, vous avez décidé de lancer un forum pour les acteurs de l’industrie du livre à Yaoundé. Qu’est-ce qui a motivé la naissance de ce projet ?

Le désir de contribuer à la filière Livre au Cameroun et en Afrique.

 Comment pouvez-vous décrire aujourd’hui l’industrie du livre dont il est question ?

En plein essor mais désorganisée. Il y a de nouvelles énergies. De plus en plus de jeunes hommes et femmes s’y lancent. La structuration est progressive, des gens travaillent mais ont besoin d’être accompagnés. L’État doit doter les entrepreneurs de la filière Livre de moyens. Il faut une synergie des maillons de la chaîne du Livre. Le lecteur, client potentiel, doit être l’une des priorités dans cette industrie qui peine à auréoler.

Quels actes à votre avis font du bien à cette industrie, et quelles sont ses difficultés ?

Lorsque tout est mis en place, la diffusion, demeure le pilier qui sort les acteurs de cette industrie de l’anonymat. Les uns comprendront mieux les mécanismes de fonctionnement des autres. Le cadre normatif de l’Organisme de Gestion Collective SOCILADRA, doit être revu. La SOCILADRA doit se bouger. Nous n’avons pas de lisibilité sur le fonctionnement de cette OGC. Même si ce n’est pas d’abord le rôle d’un écrivain, il n’en demeure pas moins vrai que ce dernier sache et comprenne les notions de droits moral et patrimonial ; le principe de collecte et de répartition des droits d’auteur. Cette cacophonie commence par le haut. L’absence du statut de l’Artiste qui peine à être implémenter. La loi du 20 Juillet 2020 sur les Fédérations n’est pas une mauvaise chose en soi. Sa mise sur pied nous semble galvaudée en ce sens que les Acteurs actifs des pôles artistiques n’ont pas été consultés avant son projet de loi à l’hémicycle. On a mis la charrue avant les bœufs parce que les coordonnateurs des pôles ont du mal  à se déployer et faire vivre les pôles. Pourquoi ? Ils sont non seulement incompris, jalousés à l’idée qu’ils « mangent seuls » parce que le MINAC n’a pas beaucoup brillé par la diligence et la traçabilité sur les affaires des dossiers de subvention d’avec le fameux Compte d’Affectation Spéciale pour le Soutien de la Politique Culturelle CASPC. En son époque, le CASPC a laissé des stigmates ! Comment envisager octroyer 500 00 XAF à un écrivain, et de surcroit, c’est toujours l’éditeur qui perçoit. Pour en faire quoi ? Oui, commencer peut être quelque part mais la somme de 500 000 ne représente pas les coûts de productions de 400 livres bien fabriqués. Quand on sait que de plus en plus, les auteurs signent à compte d’éditeur mais dans les faits, c’est de l’édition à compte d’auteur. L’on doit sensibiliser quotidiennement les acteurs sur le bien-fondé de déclarer ses écrits parfois avant même de proposer son tapuscrit, sa morasse à un éditeur ; les poètes et slameurs doivent protéger leurs textes pour ne pas être victime de leurs propres turpitudes.

Ça fait beaucoup à faire ! Parlons plutôt de votre événement : que nous réserve l’organisation de ce 4ème FORALY à Yaoundé ?

La 4e édition du Forum des Acteurs de l’industrie du Livre de Yaoundé FORALY sous le thème LA LANGUE, PUISSANTE MARQUE DE FABRIQUE DE L’IDENTITE CULTURELLE D’UN PEUPLE – du 22 au 26 Février 2023 au court 4 du  Tennis Club de Yaoundé, et des activités de réflexion dans les centres culturels Au Comptoir des Arts et Case des Arts – dévoile un programme fourni. Il s’agit de célébrer les langues africaines, la littérature africaine au travers des concours d’élocution, lecture et orthographe dans nos langues ancestrales, qui, précisons-le sont très riches en assonances et allitérations. La participation aux différents concours est libre et gratuite pour les enfants de 5 à 17 ans. Les langues Mandingue et bantu seront aussi à l’honneur : Wolof, Bambara, Lingala et Swahili. Les Adultes de 18 à 99 ans souscrivent un pécule à hauteur de 5 000 XAF. Les trois premiers des concours de langue et orthographe dans les langues Maka’a, Fulfulde, Bàsàa, Ghomala, Eton, Fulfulde seront primés dans les catégories Enfants et Adultes. Chaque langue suscitée comporte une cagnotte de 150 000 XAF repartie ainsi qu’il suit : 100 000 XAF Catégorie Adultes à départager entre les trois meilleurs (50, 35 et 15 000 XAF) et 50 000 XAF Catégorie Enfants  à départager entre les trois champions (25, 15 et 5 000 XAF).   La participation aux ateliers de Slam et jeu d’acteur coûte 2 000 XAF.   Par contre l’accès au FORALY est gratuit parce que c’est un événement tout public.  Le programme prévoit également : des talks, ateliers, dédicaces, vente des livres, de l’animation culturelle autour du livre à travers de diverses lectures, poésie/slam et des distinctions spéciales entre autres.

L’écrivaine camerounaise Djaili Amadou Amal a volontiers accepté d’être la marraine du FORALY 2023. Le jeune et brillant universitaire, homme politique, diplomate et auteur Pr André Marie Dibamou comme écrivain à l’honneur. Vingt-quatre acteurs du livres internationaux sont attendus en provenance du/de : Sénégal, Burkina Faso, RDC, Congo, Togo, Mali, France et Equateur. La Côte d’ivoire est pays invité d’honneur. À l’instar de la marraine et de l’écrivain à l’honneur, les têtes d’affiche du FORALY sont : Nadine Kengue CM, Dr Ndongo Mbaye SN,  Dr Adamou Kantagba BF, Yves Arsène Kouakou C.I, Alice Stagnetto Onana FR, Vinicio Montalvo EQ entre autres. Nous invitons les internautes à visiter notre page facebook FORALY pour voir de surprenants profils à l’instar de Fatou Yelly Faye et bien d’autres.

Vivement ! Une problématique qui vous intéresse également c’est la circulation des œuvres et des auteurs : et à propos, vous venez de commettre un ouvrage…

Mon deuxième livre traite de la problématique de la mobilité artistique en Afrique de façon systémique. C’est un bref essai-chronique dans lequel je parle des déconvenues du FORALY 2022. Le cas pratique est le non embarquement de l’invité Burkinabè en provenance de Bobo-Dioulasso pour Yaoundé. Une analyse des lourdeurs dans le traitement des dossiers des artistes : délivrance de passeports, délivrance des visas, octrois de subvention, octroi de subsides à la résilience face à la Covid et de financement à la création artistique.  Les Goulots d’étranglements liés à la mobilité artistique : le cas du non-embarquement de l’invité burkinabè est un plaidoyer pour la circulation des artistes, notamment les acteurs de l’industrie du livre en Afrique. Les écrivains comme les musiciens, chanteurs et autres artistes sont aussi ces types d’ambassadeurs qui vendent mieux leurs pays, véhiculent leurs pensées. Leurs écrits sont intemporels. Ils impactent pour la plupart positivement la société.

Quel est le grand rêve d’Ondoa Kalara pour ce paysage littéraire qui renaît ?

Outiller les Acteurs ! Changer de paradigmes ! Que le livre aille désormais vers le public. C’est le politique qui impulse très souvent la dynamique. Qu’une véritable politique du livre se mette sur pied. À un moment donné, on a la nette impression que les gouvernants ne veulent pas redonner au livre ses lettres de noblesse. Pourquoi s’implique-t-on sur les concours de plastique, je n’appellerais pas ça concours de beauté parce que la vraie beauté est immatérielle, je n’ai rien contre les dames ! Ah les pauvres qui subissent le bashing de certains prédateurs quand elles ne cèdent pas à leurs avances. Je rêve qu’un Prix Littéraire Cameroun reçoive comme récompense une belle maison clef à main avec tout le standing qui va avec ; une nomination de haut grade avec tous les avantages dus à son rang, comme par exemple l’a fait le Président de la République à l’adresse du footballer Roger Mila. Ce type d’acte fort va donner l’envie à la masse de s’intéresser au Livre. Il faut que la  loi sur le mécénat prenne droit de cité. Que les annonceurs, sponsors misent sur la Littérature car comme j’aime à le dire : aucun corps de métier n’est exempt d’écriture et de lecture.


Propos receuillis par Djimeli Raoul

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